A la question : « Quel serait votre plus grand malheur ? », Marcel Proust avait répondu : « Etre séparé de maman. »... Jeanne Weil, née en 1849 à Paris, appartient à cette bourgeoisie juive éclairée dont les ancêtres sont venus dAlsace et dAllemagne au XVIIIème siècle. Son mariage avec Adrien Proust, fils dépicier catholique beauceron, sans fortune mais promis à une brillante carrière médicale, témoigne avant tout de son désir dintégration : si elle-même ne se convertit pas, ses enfants deviendront les descendants catholiques dune famille terrienne dIlliers. Du côté Proust, on voit bien le parti avantageux que représente la jeune femme, éduquée et fortunée... mais on approuve du bout des lèvres. Marcel sera donc baptisé, comme près de deux ans plus tard, son frère Robert. Autant le premier est, dès sa naissance, fragile et nerveux, autant le cadet est robuste et indépendant. Entre ses trois hommes, Jeanne Proust sefforcera toute sa vie à légalité. Pourtant, elle a beau faire, il y a en elle un fond dinquiétude permanent pour laîné, que Marcel, lui-même toujours inquiet quant à lamour quelle lui porte, ne cessera dattiser, comme si ses crises dasthmes ny suffisaient pas... Jusquà la mort de Jeanne en 1905 (il alors a 34 ans !), il est ainsi anxieusement couvé, comme un éternel petit garçon, par celle quen légitime retour, il appellera toute sa vie « maman » : « Javais toujours quatre ans pour elle », écrira-t-il. Tous deux se quitteront peu, vivant sous le même toit, partant ensemble en cure quand la santé de lun ou lautre lexige, et entretenant une correspondance suivie des plus détaillées les rares fois où ils séloignent... Madame Proust
