Patrick Kéchichian (Le Monde, 4 avril 2002) Dans la dérive des sentiments Christian Oster n’a pas fini d’explorer les zones forcément troubles où désir et langage tentent de se correspondre. Son neuvième roman apporte sur ce sujet de nouvelles lumières… « Homme de parole, Christian Oster lest à un autre titre. Mais cette fois, il faut entendre le mot au pluriel. Ainsi, à propos dAnne, lhéroïne de ce dernier opus, lauteur précise quelle a toujours eu du mal avec les mots comme avec les hommes. Notons en passant que le rapprochement nest en rien indu, quil touche même étonnamment juste. Non pas seulement dans la description des femmes, mais dans celle du genre humain en tant quil est sexué. Pomme de discorde, la différence des sexes entraîne dans son sillage des malentendus multiples. “ Avoir du mal avec les hommes ” (ou donc avec les femmes, si lon prend les choses dans lautre sens), cest, solidairement, avoir du mal avec les mots. Tout le drame, et, plus prosaïquement, la préoccupation constante des héros de Christian Oster se trouve dailleurs là. Ce qui explique quils parlent beaucoup, sans fin, quils analysent et ratiocinent à la moindre occasion, sur la plus petite circonstance. Certes, il sagit souvent dune parole tenue pour soi seul, dun muet monologue. Mais cest notre privilège de lecteur de nen pas rater une miette. Ne mettons pas davantage à jour les ressorts de cette mécanique de précision. Soulignons simplement quelle salimente à une double source : un humour subtilement impassible et la pathétique maladresse de tout sentiment humain. »
