Les romans de Juan Carlos Onetti posent un regard terriblement désabusé sur une comédie inhumaine peuplée de desperados qui titubent dans les ténèbres, en attendant de sombrer corps et biens. Leur patrie est une ville imaginaire, Santa Maria, antichambre de lenfer où défile une meute sordide de fantômes grimaçants. Cest là, dans un dédale de bars louches, que vit Juan Carr, le narrateur du dernier roman dOnetti : il écrit un journal en laissant suinter le goutte-à-goutte monotone des jours et des pages . Des bribes dhistoires samorcent, des rêves séteignent, des destins sécroulent, à limage de lAmérique latine saccagée par les dictatures. Entre deux hommages à ses maîtres - Kirilov et Bardamu -, Juan Carr picole, cafarde, se traîne vers la mort, raconte ses joutes érotiques avec la grosse Eufrasia, tandis que la prose hallucinée dOnetti transforme ce pandémonium en un magnifique théâtre de la cruauté. Un livre noir, terrible : le testament dun loup solitaire qui errait dans les bas-fonds de lâme... André Clavel, LEvénement du Jeudi
