On retrouve, dans La vie invisible, ce goût de la marginalité, de labjection, des mondes souterrains, et cette tendance au morbide qui caractérisent si bien loeuvre de Juan Manuel de Prada avec, ici, un superbe travail romanesque centré sur des personnages inoubliables. Le livre comporte en fait deux histoires, qui abordent toutes deux les thèmes de la folie et de la culpabilité : 1) Celle dAlejandro Losada et dElena. Alejandro, à la veille de son mariage, part à Chicago et fait, dans lavion, la connaissance dElena. Après une brève aventure avec elle, il se sentira terriblement coupable lorsque, de retour à Madrid, il apprend quElena, mentalement perturbée, laccuse de lavoir mise enceinte. Il tente dabord d éviter la jeune fille, mais en apprenant quelle Vit dans un taudis, sans un sou et quelle est devenue folle au point de se prostituer malgré lenfant quelle porte, il rompt ses fiançailles, part à sa recherche et plonge dans lunivers de la dégradation et de labjection. Il la sauvera et expiera sa « faute » en acceptant une paternité qui ne lui appartient pas. 2) Celle de Tom Chambers et de Fanny Riffel, quAlejandro découvre sur des bandes magnétiques que Tom lui a confié à Chicago pour quil écrive un roman. Fanny, ex pin-up des années cinquante, disparaît brusquement. Adolescent, Tom avait eu un comportement suffisamment cruel avec Fanny pour, des années plus tard, se sentir coupable de sa disparition. A son retour de la guerre du Vietnam il la cherche et la retrouve enfin dans un asile daliénés. Décidé à la sauver, il lui fait raconter son histoire quil enregistre sur magnétophone. Fanny, malgré un parcours particulièrement tragique, sera elle aussi « sauvée » par Tom qui lui consacrera sa vie.