Grass, Gunter Quarante ans, professeur dallemand et dhistoire dans un lycée de Berlin ouest, célibataire, prognathe (sa mâchoire inférieure a des rêves de violence), fiancé, a rompu, a lu Marx, se sent vieillir, souffre des dents, cite Sénèque, a appris à sadapter, est devenu raisonnable à force dexpériences, nen est pas satisfait. Eberhardt Starusch va chez le dentiste. Dans le fauteuil, face à lécran de télévision qui est censé le distraire de ses douleurs, le professeur compose préhistoire et chronique du traitement quil subit. Aux émissions de lécran, il substitue les siennes ou les mélange et, ce faisant, dialogue imaginairement avec le dentiste, avec lui-même. Le troisième grand roman de Günter Grass est donc lhistoire dun homme de sa génération, passée lère légendaire du Tambour, passées les Années de chien de la guerre, aujourdhui. Cest aussi le constat des échecs subis. Ce monde que lon voulait transformer, on na fait jusquici que sen accommoder, sy faire. Mais le dernier épisode nest pas joué. Un élève de Starusch a décidé de brûler publiquement son chien pour sensibiliser les bourgeois berlinois aux horreurs de la guerre du Viet nam. Les scrupules et les objections de Starusch, leur fragilité, révèlent linconséquence de lunivers moral de ceux quon dit raisonnables, adultes, voire démocrates et progressistes. Ne cache-t-il en définitive que lâcheté et capitulation, anesthésie locale ?