Les intermittences du coeur, ce nest pas seulement le titre dune des sections les plus émouvantes, au coeur de la Recherche du temps perdu de Marcel Proust (dans Sodome et Gomorrhe); cela devait initialement en être, dans le projet de Proust, le titre densemble. On oublie trop souvent que Proust ne parle pas de la mémoire et de ses intermittences, pour des raisons abstraites ou métaphysiques, mais dabord comme dun déchirement intime, dans les relations humaines. La perte des êtres les plus chers, elle-même, nous loublions le plus souvent; et quand elle nous revient, involontairement, en laçant une chaussure dans une chambre dhôtel où notre grand mère venait nous consoler de nos chagrins, elle nen est que deux fois plus douloureuse ; douloureuse par la perte quelle ravive, mais aussi par la culpabilité de loubli, quelle réveille. Il fallait donc dabord éditer pour lui-même ce passage admirable et poignant qui, même inséré au coeur du livre, ou à cause de cela, garde une singularité et une unité frappantes. On le fera précéder dune analyse de ce que nous perdons et ce que nous retrouvons dans la Recherche du temps perdu, qui touche au coeur des relations humaines les plus profondes, une dimension quon oublie trop souvent dy voir, et qui en fait pourtant, sur ce sujet aussi, lune des plus grandes méditations qui soient.