Depuis deux siècles, on parle beaucoup des amours et peu de lamour. Tandis que toutes les époques, depuis les beaux temps de la Grèce, ont eu une grande théorie des sentiments, les deux derniers siècles en sont totalement dépourvus. Oublions les gésticolations romantiques. Notre description de lamour est linverse de celle de Stendhal. Stendhal avait la tête remplie de théories, mais il navait pas les dons dun théoricien. Létat amoureux est tout dabord un phénomène de lattention, un état anormal de lattention qui se produit chez lhomme. Le mysticisme est aussi un phénomène de lattention. La première chose que nous propose la technique mystique est que nous fixions notre attention sur quelque chose. Il faut prêter notre attention à quelque chose, simplement comme moyen de détourner lattention de tout le reste du monde. Létude De lAmour de Stendhal est lun des livres les plus lus. Mais cette fameuse théorie de lamour comme cristallisation est-elle certaine ? Cette théorie, en résumé, qualifie lamour de fiction constitutive. Ce nest pas que lamour soit parfois dans lerreur, cest quil est, par essence, une erreur. Pour Stendhal lamour est moins quaveugle : il est visionnaire. Non seulement il ne voit pas le réel, mais il le remplace par autre chose. Un jour la fantasmagorie sévanouit et avec elle meurt lamour. Cette théorie est une sécrétion typique de lEuropéen du XIXème siècle. Elle en a les deux traits caractéristiques : lidéalisme et le pessimisme. Dans le cas de Stendhal, il ny a aucun doute. Il sagit dun homme qui na jamais vraiment aimé et qui surtout ne fut jamais vraiment aimé. Il na pas connu le symptôme suprême du véritable amour : être au côté