Lhomme vrai, pour Simenon, cest l« homme nu », débarrassé de ses masques géographiques, historiques ou sociaux. Ce nest pas à proprement parler un héros, il est « nimporte qui dans la rue », mais, placé dans une situation de crise, il va jusquau bout de lui-même et révèle ce quil a en lui dessentiel. Le roman de Simenon nest donc pas une chronique : cest une crise. Resserrement de laction, tension du récit, rupture, passage à lacte. Le personnage joue son destin comme aux dés, la mort est souvent au rendez-vous, le lecteur est porté par lenvie de savoir. On voit tout ce que le roman-crise doit au roman policier, et lon comprend ce qui fait lunité de lœuvre. Simenon a trouvé dans ses propres récits dénigme - les « Maigret » qui lui valurent ses premiers succès - de quoi structurer le genre auquel il tenait le plus, le « roman dur » (entendre : non-policier), qui est aussi un « roman pur » : dépourvu de considérations abstraites, composé de « mots matière », apte à saisir les êtres dans leur vérité. Il aura passé sa vie à parfaire et à épurer sa formule. Son extraordinaire productivité la parfois desservi. Les romans rassemblés dans la Pléiade - cinq « Maigret », seize « romans durs » - retracent sa trajectoire et manifestent la cohérence de son ambition.