Le terrorisme ne porte pas seulement en puissance la destruction de notre monde, mais aussi celle de notre pensée. Sil constitue un défi pour le sens commun que nous conférons à la politique, cest parce que son but nest pas uniquement de réduire à limpuissance les sociétés menacées par cette nouvelle forme de violence, mais de susciter le désarroi mental et psychologique des membres de celles-ci et de tous ceux qui sont pris dans sa logique que ce soit à titre dacteurs, de spectateurs ou de victimes. Ce que lon a appelé la « petite guerre », par opposition à la guerre classique et noble, ne se contente pas de faire périr des vies et des biens, mais vise à engourdir notre sens politique. Le terrorisme contemporain nous pose problème, et particulièrement le terrorisme islamiste. On peut chercher à « démythifier Al-Qaïda » et arguer que les « Tigres noirs » tamouls commettent aussi des attentats-suicides, néanmoins, à lheure actuelle aucune forme de terrorisme na autant quAl-Qaïda la puissance dengendrer la peur. Au lieu de nous réveiller de notre somnolence, nous préférons bien souvent le déni de cette réalité, car sa prise en compte semble toujours suspecte de collaboration avec la police et de justification dun discours sécuritaire. Pourtant quelque bonne intention qui anime un déni, cest toujours un déni. Échapper à ce déni requiert une relecture de lhistoire des guerres et des révolutions, des idées nihilistes et anarchistes, et un éclairage psychanalytique du déferlement contemporain de la pulsion de mort.