Seul dans le noir, je tourne et retourne le monde dans ma tête tout en mefforçant de venir à bout dune insomnie, une de plus, une nuit blanche de plus dans le grand désert américain. Ainsi commence le récit dAugust Brill, critique littéraire à la retraite, qui, contraint à limmobilité par un accident de voiture, sest installé dans le Vermont, chez sa fille Miriam, laquelle ne parvient pas à guérir de la blessure que lui a infligée un divorce pourtant déjà vieux de cinq ans, et qui vient de recueillir sa propre fille, Katya, anéantie par la mort en Irak, dasn des conditions atroces, dun jeune homme avec lequel elle avait rompu, précipitant ainsi, croit-elle, le départ de ce dernier pour Bagdad... Pour échapper aux inquiétudes du présent et au poids des souvenirs, peu glorieux, qui lassaillent dasn cette maison des âmes en peine, Brill se réfugie dasn des fictions diverses dont il agrémente ses innombrables insomnies. Cette nuit-là, il met en scène un monde parallèle où le 11 Septembre naurait pas eu lieu et où lAmérique ne serait pas en guerre contre lIrak mais en proie à une impitoyable guerre civile. Or, tandis que la nuit avance, imagination et réalité en viennent peu à peu à sinterpénétrer comme pour se lire et se dire lune lautre, pour interroger la responsabilité de lindividu vis-à-vis de sa propre existence comme vis-à-vis de lHistoire. En plaçant ici la guerre à lorigine dune perturbation capable dinventer la catastrophe dune fiction qui abolit les lois de la causalité, Paul Auster établit, dasn cette puissante allégorie, un lien entre les désarrois de la conscience américaine contemporaine et linfatigable et récond questionnemen